La transition énergétique s’accélère: Comment réagit la filière wallonne?
ELECTRIFIER 2025, la 15ème édition de la conférence du photovoltaïque, du stockage et de l’électrification, s’est tenue le 5 décembre au Moulin de Beez, à Namur. L’événement s’adresse aux électriciens, installateurs, intégrateurs et responsables techniques souhaitant anticiper les évolutions de leur métier, ainsi qu’aux pouvoirs publics impliqués dans le secteur. L’objectif est de découvrir les innovations technologiques et réglementaires, comprendre les obligations régionales, identifier des opportunités de marché et échanger avec la filière, avec comme enjeu ultime l’intégration flexible et optimisée des divers systèmes pour apporter la meilleure réponse à la transition énergétique.
Depuis 2006, la conférence "Solaire photovoltaïque, stockage énergétique et électrification", rassemble les professionnels et les entreprises soucieuses de maîtriser leur coût énergétique. L’événement est une initiative de l’asbl Energie Facteur 4, dont la finalité consiste à promouvoir l'offre et la demande d'énergie de sources renouvelables, ainsi que l'utilisation rationnelle de l'énergie.
Cette 15e édition était déclinée en deux journées de conférences distinctes. La première, dédiée au marché de Flandre, intitulée "Electrify Flanders 2025", s’est déroulée le 26 novembre à Leuven. Son homologue pour la Wallonie et Bruxelles vient donc de s’achever à Namur le 5 décembre, avec la participation d’ELOYA, la fédération professionnelle des électriciens.
Les enjeux liés au développement du solaire photovoltaïque et de l'électrification
Dans son exposé d’introduction, Philippe Delaisse, secrétaire-général de l’asbl Energie Facteur 4 et co-instigateur de l’événement avec Arnaud Etienne et Dirk Van Evercooren, de PlugInfo, a centré le propos sur les défis et les opportunités du solaire photovoltaïque et de l’électrification. Face à la nécessité impérieuse d’opérer une transition énergétique en phase avec les objectifs climatiques, Philippe Delaisse estime qu’il est primordial de concentrer les efforts sur l’intégration des systèmes. Le photovoltaïque sort largement de son rôle original de simple instrument d’investissement subsidié garantissant un ROI rapide sur la facture d’électricité du citoyen ou de l’entreprise lambda.
Dans un contexte géopolitique qui induit une grande volatilité des prix de l’électricité et en réponse à l’engagement politique dans la promotion de l’électromobilité à l’échelle européenne et nationale, la filière qui réunit tous les acteurs clés du secteur doit agir avec la plus grande flexibilité. Philippe Delaisse: "Dans un passé pas si lointain, il n’existait pas encore de batteries de stockage de l’énergie électrique autoproduite et toute l’électricité non utilisée était tout simplement réinjectée sur le réseau sans compensation financière dans le chef du producteur, qu’il soit particulier ou professionnel."
"Mais comme nous le savons tous entre-temps, la demande en électricité ne cesse de croître, avec l’émergence des systèmes domotiques intelligents, l’électrification accrue du parc automobile et l’installation de bornes de recharge en plus grand nombre. Face à une hausse non négligeable des coûts énergétiques alors même que les incitants financiers ont été supprimés, le photovoltaïque cherche un peu son second souffle."
"En ce sens, l’arrivée des batteries de stockage performantes est une bonne chose. Ces solutions de stockage apportent plus de flexibilité dans les comportements de consommation et ouvrent la voie vers une meilleure intégration des différents systèmes, pas seulement au niveau de l’électricité, mais également en relation avec la production de chaud et de froid. Je pense au boiler thermodynamique et à l’utilisation de la pompe à chaleur dans le résidentiel. A l’échelle industrielle, je pense aux réseaux de chaleur dans les grandes villes."
"Alimenté par des énergies renouvelables, par exemple par le biais d’une pompe à chaleur qui extrait son énergie d’une installation photovoltaïque en toiture ou "plug & play", un réseau de chaleur centralise la production d’eau chaude (ou froide) dans une chaufferie qui l’envoie ensuite via un réseau de canalisations souterraines vers des bâtiments connectés à la température requise. Une solution qui est donc à la fois écologique et abordable", précise-t-il. Philippe Delaisse est convaincu que l’énergie renouvelable, et par extension l’autoproduction, est la seule solution pour garantir la stabilité des prix et une certaine indépendance énergétique.
Redéfinir le rôle de l’électricien
Inutile de préciser que cette évolution influe inévitablement sur l’essence même du métier d’électricien. Le temps est révolu où l’on faisait surtout appel à l’électricien pour réparer ou poser un câblage. Plus que jamais, l’électricien devient un conseiller, un consultant, qui transmet les bonnes informations, explique les diverses techniques et oriente le choix vers le matériel agréé le plus judicieux. "L’électricien apporte son aide face à la complexité des enjeux. A titre individuel mais aussi en partenariat avec ses confrères spécialisés pour maîtriser ensemble toutes les composantes du mix énergétique."
A ce propos, la récente autorisation accordée pour les installations PV et batteries « plug & play » incite l’électricien à adapter une partie de son métier. En effet, même si le plug & play est présenté comme un équipement à installer soi-même (Do It Yourself), l’électricien reste le mieux placé pour en garantir l’installation optimale et sûre. Il n’y a pas de contrôle obligatoire après l’installation du « plug & play », mais il reste important de vérifier que l’installation électrique existante est bien conforme.
Redynamiser le secteur
Installer un kit solaire avec un panneau à brancher sur une prise de courant directement chez soi est une bonne idée pour les petits budgets et les locataires. L'un des grands avantages de ces kits solaires est effectivement leur simplicité d'installation. Il suffit de fixer les panneaux solaires sur un mur, une terrasse, un balcon ou une toiture plate, d'ajuster leur orientation et leur inclinaison pour maximiser la production, puis de brancher le tout sur une simple prise électrique. Si l’on y ajoute la transportabilité de la solution en cas de déménagement, on y voit beaucoup d’avantages. Mais comme l’a précisé Arnaud Etienne de PlugInfo, le rôle de l’électricien peut être important dans l’installation d’un système DIY comme celui-ci.
"Ceci dit, cette autorisation a le mérite d’élargir le marché PV aux personnes à revenus plus modestes qui, en combinant panneaux plug & play et batterie plug & play, optimiseront également leur consommation énergétique", confie Philippe Delaisse.
Et le secteur a assurément besoin de retrouver des couleurs, à en juger par les statistiques officielles sur les installations photovoltaïques. Le potentiel est loin d’être exploité, tant en Wallonie qu’à Bruxelles.
Les pouvoirs publics favorisent aussi l’électrification verte
Le contexte wallon
Dans son exposé esquissant le cadre réglementaire en Wallonie, Joseph Etienne Kolie, du SPW Territoire, Logement, Patrimoine et Energie, a relevé les récentes évolutions réglementaires. Il cite ainsi l’autorisation du PV plug & play depuis le 17 avril 2025, la simplification administrative grâce à la dispense de permis d’urbanisme pour une installation PV au sol depuis le 1er mai 2025, la certification Qualiwall obligatoire qui est une garantie de qualité et de sécurité pour les consommateurs, l’exigence d’intégrer au minimum 35% d’énergie renouvelable dans les bâtiments neufs à partir du 1er janvier 2026 mais également la nouvelle structure tarifaire qui vise l’optimisation économique et incite à l’autoconsommation et au stockage.
Le contexte bruxellois
La région Bruxelles-Capitale a également adopté des mesures de soutien à l’électrification et au développement du photovoltaïque. On retiendra de l’exposé conjoint d’Anna Salvi et de Gregory Neubourg, en tant que représentants de Brugel, le régulateur bruxellois pour l’énergie, une approche quelque peu différente mais reprenant somme toute les mêmes axes pivots. Le contexte bruxellois se caractérise par un parc PV d’une puissance de 331 MWc, soit environ 27 800 unités installées, ce qui équivaut à 15% des bâtiments résidentiels.
Pour promouvoir le solaire PV, la région octroie des certificats verts pendant 10 ans, autorise l’installation de panneaux plug & play homologués avec compteur intelligent obligatoire et gratuit. La Région encourage aussi le recours à des batteries de stockage plug & play afin de maximiser l’autoconsommation, d’optimiser les coûts d’énergie et de favoriser la stabilité du réseau, et réitère sa volonté d’accélérer la présence de bornes de recharges publiques pour atteindre à l’horizon 2035 quelque 22 000 bornes installées contre un peu moins de dix mille aujourd’hui.
Le bihoraire change d’horaire… effet d’annonce ou impact réel?
Face à la forte hausse de la demande de puissance et dans un souci de meilleure intégration du renouvelable, garantir l’équilibre du réseau implique de s’efforcer au mieux de réduire les contraintes sur ce dernier et de viser une correspondance optimale entre production et consommation. Dès lors, chaque composante tarifaire a pour objet d’inciter les utilisateurs du réseau à consommer au moment où l’électricité est abondante. Anne-Elisabeth Sprimont, chargée de communication auprès du régulateur CWaPE, a commenté dans son exposé les changements qu’implique la nouvelle méthodologie tarifaire sur la facture d’électricité des consommateurs.
A partir du 1er janvier 2026, la répartition heures pleines et heures creuses sera automatiquement adaptée, avec comme principal changement la qualification de la plage horaire 11-17 h en tarification heures creuses, ce qui devrait encourager le consommateur à consommer davantage à cette occasion. Et pour encore plus de flexibilité, le nouveau tarif IMPACT, optionnel cette fois, définit 5 plages horaires réparties en heures PIC (17-22 h), heures MEDIUM (7-11 h et 22- 1h) et heures ECO (11-17 h et 01-07 h). Du côté fournisseur, une nouvelle offre commerciale introduit la notion de prix dynamiques, une formule tarifaire calculée au quart horaire pour inciter à consommer lorsque le prix de l’électricité est au plus bas.
La question est évidemment de savoir si le consommateur est prêt à faire l’effort de s’informer au jour le jour des prix de l’électricité communiqués par son fournisseur pour le lendemain, afin d’adapter en conséquence sa consommation. Mais étant donné la complexité et parfois l’absence de réelle transparence de sa facture, l’exercice comparatif coûts/bénéfices n’est pas évident pour le citoyen lambda. Ici aussi, l’information correcte se révèlera primordiale pour assurer une bonne compréhension et un changement dans les habitudes de consommation. En ce sens, la journée de conférence a assurément le mérite d’inviter aux échanges et à la réflexion. D’informer pour mieux agir!
















